Pour le réalisateur et spécialiste de la montagne Gilles Chappaz, la performance de Kilian Jornet, qui a grimpé l'Everest en 26 heures, est brillante, rare, "mais pas exceptionnelle". Car le propre de la montagne, précise-t-il, c'est bien que les conditions ne sont jamais les mêmes...
C'est une voix discordante dans le concert des acclamations, même s'il est le premier à reconnaître "le caractère brillant" de l'exploit de Kilian Jornet.
Pour le réalisateur Gilles Chappaz, sommité dans le domaine de la montagne, l'ascension de l'Everest en 26 heures sans oxygène du jeune Catalan est à replacer dans son contexte.
La montagne n'est jamais la même
Et surtout, elle n'est pas tout à fait inédite : en 1991, rappelle-t-il, l'alpiniste Marc Batard grimpait sur le toit du monde en moins de 24 heures. Mais l'enneigement de la montagne, les voies empruntées ou encore les conditions météorologiques font que chaque ascension est différente et que le temps de l'ascension "n'est pas une unité qui permet une comparaison."
"La vitesse, c'est un critère médiatique" ajoute-t-il, une manière de parler plus facilement au grand public.
La vitesse est même un gage de sécurité. Aller vite, c'est rester moins longtemps
Mais courir à plus de 8.000 mètres d'altitude, est-ce de l'inconscience ? Pas forcément pour le spécialiste de la montagne, qui estime que les grimpeurs de la trempe de Kilian Jornet "sont tout sauf des têtes brûlées. Ils n'ont pas le sentiment de se mettre en danger. Ils le font en connaissance de cause."
Surtout, "la vitesse est même un gage de sécurité. Aller vite, c'est rester moins longtemps, rappelle-t-il, ajoutant que "rester trois jours en haute-montagne, c'est tout aussi dangereux."
Le journaliste-réalisateur grenoblois reconnaît en tout cas que "ça reste une belle performance, qui n'est pas étonnante de sa part." Car Kilian Jornet a un profil atypique.
Il a importé le trail en montagne. C'est un peu sa spécificité
Là où "Marc Batard et Ueli Steck étaient d'abord des alpinistes qui se sont mis à aller vite", Kilian Jornet "au départ n'est pas franchement alpiniste. Il faisait du trail et a importé le trail en montagne. C'est un peu sa spécificité."
L'Espagnol a revendiqué ce mardi 23 mai le record de vitesse pour l'ascension de l'Everest, mais selon le livre Guinness des records, l'ascension la plus rapide reste celle, en 1996, de l'Italien Hans Kammerlander, en 16h45 depuis le camp de base avancé à 6.500 mètres... Si tant est, encore une fois, que l'on puisse comparer des performances espacées de vingt ans.